Vous vous apprêtez à écouter «Maitriser les Codes», un podcast proposé par le cabinet Brucher Thieltgen & Partners. Une série de quatre épisodes dédiés au conflit au sein des sociétés. Dans cette troisième partie, les avocats présents autour de la table se pencheront sur la pertinence d’un recours aux tribunaux, lorsqu’un conflit n’a pas pu être résolu directement entre les différentes parties prenantes. Que faut-il en attendre, ou au contraire ne pas attendre? Enfin, nos experts évoqueront des voies alternatives au tribunaux pour la résolution des conflits. Cliquez sur play pour écouter le podcast.
Dans l’imaginaire collectif, nourri par la fiction sous toutes ses formes, le tribunal est le lieu où s’exerce la main transcendante de la Justice, où s’affrontent les avocats et où les juges résolvent tous les conflits. Une image qu’il convient de tempérer, notamment sur un point : il ne faut pas attendre du juge qu’il résolve tous les problèmes au sein d’une société. Ce n’est pas son rôle. Dans un conflit au sein d’une société, le rôle des tribunaux s’établit sur deux axes : le premier c’est de prendre des mesures conservatoires, provisoires, pour préserver la société et son activité. Puis, dans un second temps, les juges vont se pencher sur la légitimité des actions entreprises, afin de trancher sur certains sujets précis qui constituent le fond du litige.
C’est pourquoi, avant «d’allumer le feu» d’une procédure, il faut bien réfléchir si une telle initiative est pertinente et quelles en seront les conséquences, notamment si on veut déposer une plainte pénale. «La procédure pénale, si elle peut être légitime et efficace, est très longue, irréversible et peut bloquer la procédure civile ou commerciale» précise Maitre Marie Bena. Le rôle de l’avocat est donc ici de bien orienter son client sur la procédure à mettre en place ou non, c’est-à-dire à maintenir le cap sur les objectifs fixés au départ, tout en restant flexible à d’autres éventualités si nécessaire. En effet, au cours de la procédure, des situations inédites peuvent intervenir, de nouvelles informations peuvent apparaitre et imposer un changement de stratégie.
« La procédure pénale, si elle peut être légitime et efficace, est très longue, irréversible et peut bloquer la procédure civile ou commerciale » Marie Bena, Partner
Les alternatives aux tribunaux
Une des alternatives est l’arbitrage, qui consiste à soumettre un litige à trancher non pas une juridiction civile ou commerciale mais à une sorte de tribunal privé, constitué par les parties et sous l’égide d’une institution dédiée à cette pratique (à Luxembourg par exemple, le Luxembourg Arbitration Center de la Chambre de Commerce). Cette possibilité permet aux parties engagées dans un conflit de voir leur litige réglé par voie d’arbitrage, en le soumettant à trois experts qui trancheront. Les avantages de l’arbitrage sont, d’une part, la rapidité de la procédure, en comparaison avec celle des juridictions civiles et commerciales organisées par l’Etat. D’autre part, et c’est sans doute le point le plus important, « l’intérêt de l’arbitrage consiste aussi dans la sélection d’un tribunal arbitral constitué de juristes bien sûr, mais parfois aussi d’experts en lien avec le point à trancher. Ils connaissent ainsi mieux la réalité de terrain, parfois même spécifiquement de certaines questions en jeu » indique Maitre Nicolas Thieltgen. La sentence arbitrale rendue pourra ainsi parfois prendre en compte des aspects plus pratiques et moins théoriques. Les tribunaux civils organisés veillent cependant au grain à juste titre, alors que, pour être exécutée, la sentence arbitrale devra être homologuée par une juridiction étatique, qui veillera notamment au respect de certains principes fondamentaux, comme celui du débat contradictoire.
Enfin, l’arbitrage autorise une certaine discrétion, la procédure se déroulant en toute confidentialité, ce qui peut parfois être préférable pour la réputation de l’entreprise.
En revanche, l’inconvénient majeur de l’arbitrage est financier. Il s’agit d’une procédure privée dont le coût est très élevé. La rémunération des arbitres doit donc être pris en compte, en sachant aussi que la rapidité de la procédure peut permettre d’atteindre un certain équilibre finalement.
Au Luxembourg et au-delà
Le Luxembourg étant un environnement très cosmopolite, où se croisent des sociétés d’origines très diverses, il arrive fréquemment que, lors d’un conflit, les plaignants souhaitent s’inspirer de certains concepts de leur pays d’origine. Or, même si les avocats au Luxembourg connaissent ces dispositifs issus des législation étrangères, ils doivent s’en tenir aux outils juridiques qui sont en vigueur au Luxembourg. En revanche, une procédure comme l’arbitrage conserve ici son intérêt. Des experts étrangers qui peuvent faire partie du tribunal arbitral pourront peut-être mieux appréhender éléments d’extranéité du dossier.
Dans ce contexte, le Luxembourg comme place d’arbitrage a un vrai rôle à jouer. Un argument d’ailleurs mis en avant par le Gouvernement et par la Chambre de Commerce. «Le caractère multiculturel du Grand-Duché, d’où découle une certaine neutralité, offre un environnement très favorable à l’arbitrage» conclut Maitre Nicolas Thieltgen.
Rendez-vous le 20 septembre prochain pour la dernière partie.
[Podcast créé en partenariat avec Paperjam]