Parmi un certain nombres de nouveautés intervenues durant le premier semestre 2023 telles que les évolutions sur les quotas de jours de télétravail pour les frontaliers, ou encore l’instauration d’un cadre légal pour protéger les lanceurs d’alertes, deux nouveautés doivent être particulièrement soulignées alors qu’elles s’appliquent à toutes les entreprises quelle que soit leur taille ou leur secteur.

Le respect du droit à la déconnexion

La lutte contre le harcèlment à l’occasion des relations de travail

A noter que, dans les deux cas, certaines obligations à charge de l’employeur pouvaient déjà se déduire implicitement des règles envigueur auparavant, telles que les disposition sur le temps de travail, l’obligation de garantir la santé et la sécurité des salariés, ou encore la convention collective de 2009 relative au harcèlement et à la violence au travail.

Loi du 28 juin 2023 portant modification du code du travail n vue d’introduire un dispositif relatif au droit à la déconnexion

Elle s’applique à tous les employeurs, sans distinction, dès lors qu’ils utilisent des outils numériques à des fins professionnelles.

Cette loi met à charge de l’employeur l’obligation de mettre en place un régime spécifique assurant le respect du droit à la déconnexion. La loi ne fournit toutefois aucune précision sur la forme ou la manière dont ledit régime doit être implémenté. Elle précise cependant que le régime en question doit être adapté à la situation et aux spécificités de chaque entreprise. L’obligation d’instaurer un « régime » est déjà trèslargement analysée par les praticiens comme la nécessité de mettre en place une politique écrite interne à l’entreprise.

Quant aux mesures concrètes à mettre en place, les entreprises restent relativement libres de les fixer. On peut néanmoins déjà en imaginer certaines qui paraissent assez évidentes comme par exemple:

  • Des séances de sensibilisation sur le burn out ;
  • Le blocage de l’accès au serveur pendant certains créneaux horaires ;
  • Un mécanisme compensation dans le cas de dérogation exceptionnelle.

PROCESSUS

Le régime est à définir par voie de convention collective lorsque l’entreprise est couverte par une telle convention. En l’absence de convention collective ou d’accord subordonné, le régime est introduit après information et consultation de la délégation du personnel ou de commun accord avec celle-ci dans les entreprises d’au moins 150 salariés.

A défaut de délégation du personnel, l’employeur définitlui-même le contenu d’un tel régime et en informe les salariés.

SANCTIONS

En cas de non respect de ces nouvelles dispositions, unesanction administrative pourra-t- être prononcée par leDirecteur de l’Inspection du travail et des mines (ITM). Le nouvel article L.312-10 du Code du travailprévoit ainsiune amende administrative de 251 à 25.000 euros, qui sera prononcée en tenant compte des circonstances, de la gravité du manquement et du comportement de l’employeur.

A noter toutefois que le législateur accorde aux employeursun délai d’adaptation puisque cet article n’entrera envigueur qu’en juin 2026, ce qui, en parallèle,
n’empêchera toutefois pas les juridictions du travail de condamner les employeurs à indemniser les salariés dont le droit à la déconnexion ne serait pas respecté.

Loi du 29 mars 2023 portant modification du code du travail en vue d’introduire un dispositif relatif à la protection contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail

Sont ici visés tous les salariés sans distinction.
A noter que ce nouveau régime vient compléter la convention collective de 2009, mais ne met pas fins aux obligations qu’elle prévoit. Ces textes sont donc, pour le moment, destinés à coexister.

Cette loi fournit en premier lieu une nouvelle définition de ce qui est à considérer comme du harcèlement moral. Ainsi, le nouvel article L.246-2 du Code du Travail vise : « toute conduite qui, par sa répétition, ou sasystémisation, porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne. »

OBLIGATIONS

De nouvelles obligations sont ensuite mises à charge de l’employeur, notamment celle de « déterminer les mesures à prendre pourprotéger les salariés contre le harcèlement moral au travail ». Ici encore, faute de précision sur la forme, les praticiens auront tendance à interpréter cette obligation comme une nécessité de mettre en place une politique écrite dédiée.

En revanche, la loi énumère ici les éléments sur lesquels doivent porter les mesures à mettre en place par l’employeur dans une telle politique. Ainsi, le nouvel article L.246-3 (3) prévoit par exemple :

  • La nécessité de mettre en place des mesures d’accueil et d’aide aux victimes ;
  • Des mesures d’investigation rapides et impartiales ;
  • Ou encore des mesures de sensibilisation.

En cas de harcèlement moral porté à sa connaissance, l’employeur a désormais l’obligation de prendre immédiatement toutes mesures permettant de faire cesser la situation dénoncée, puis de procéder ensuite à une évaluation interne portant sur l’efficacité des mesures de prévention en place. On peut ici imaginer que de telles politiques devront être ajustées en fonction des situations concrètes rencontrées par les entreprises. Faute de voir la situation se régulariser, le salarié victime pourra désormais directement saisir l’ITM qui dressera un rapport contenant les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement.

RÔLE CLÉ DE LA DÉLÉGATION

La loi renforce par ailleurs le rôle de la délégation dupersonnel en matière de lutte contre le harcèlement moral. Outre l’obligation de l’employeur de la consulter sur les mesures qu’il entend mettre en place, la loi prévoit expressément que la délégation du personnel étant chargée de veiller à la protection du personnel contre le harcèlementmoral, elle peut directement proposer à l’employeur toute mesure de prévention qu’elle juge nécessaire.

Elle est par ailleurs expressément habilitée à assister le salarié victime de harcèlement moral dans ses démarches tant vis-à-vis de l’employeur que de l’ITM.

SANCTIONS

Selon les cas, l’ITM, qui a été saisie par le salarié, pourra enjoindre l’employeur de prendre certaines mesures endéans un délai limité, sous peine d’amende administrative. Enfin, la loi prévoit directement des sanctions pénales encourues tant par l’auteur de faits de harcèlement moral que par l’employeur qui omettrait de prendre les mesures adéquates face à une telle situation. Il s’agit d’une amende de 251 à 2.500,-€ pouvant être doublée en cas de récidive.

Par rapport au système précédent, cette loi se veut plus protectrice des salariés victimes, alors qu’elle précise encore que la victime ne doit en aucun cas faire l’objet de représailles pour avoir riposté face à une situation de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels faits. Un licenciement basé sur pareil reproche serait alors nul de plein droit.

Pour plus d’information n’hésitez pas à contacter en particulier :

Elodie Rousseau

Me Elodie Rousseau – Avocat à la Cour

elodie.rousseau@brucherlaw.lu