L’Union européenne a adopté une série de mesures financières restrictives à l’égard des personnes et entités impliquées dans les actions portant atteinte à l’intégrité et à la souveraineté de l’Ukraine.

Dans une lettre circulaire publiée le 1er mars 2022, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (« CSSF ») a rappelé que les règlements européens sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables en droit national et que les professionnels du secteur financier, dont les établissements bancaires, ont l’obligation de s’y conformer tout en mettant en place les contrôles et les mesures nécessaires.

Avant de s’intéresser aux éventuelles sanctions en cas de non-respect de ces nouvelles mesures, il convient de faire un état des lieux des mesures financières restrictives en question.

Quant aux mesures financières restrictives

L’ensemble de ces mesures financières restrictives de l’Union européenne peuvent être classées en 3 grandes catégories de mesures :

L’extension du gel des avoirs

Le règlement (UE) n°269/2014 du 17 mars 2014 concernant des mesures restrictives à l’égard d’actions portant atteinte ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine a été modifié afin d’ajouter à la liste de l’annexe I, un certain nombre de personnes physiques, dont notamment :

  • 351 membres de la Douma ayant voté en faveur de la reconnaissance par la Russie de Donetsk et de Louhansk[1] ;
  • 22 personnes, telles que des membres du gouvernement, des oligarques, des officiers supérieurs et des personnes responsables de la conduite de la guerre de désinformation contre l’Ukraine[2] ;
  • 99 personnes, dont le président et le ministre des affaires étrangères russes, les membres du Conseil national de sécurité de la Fédération de Russie qui ont soutenu la reconnaissance de Donetsk et de Louhansk, les autres membres de la Douma d’État russe, ainsi que des personnes qui ont facilité l’agression militaire russe à partir de la Biélorussie[3][4] ;
  • 26 personnes, dont des oligarques, des membres du gouvernement, des officiers militaires de haut rang ainsi que des hommes d’affaires actifs dans les secteurs du pétrole, de la banque et des services financiers[5] ;
  • 22 membres de haut rang de l’armée biélorusse[6].

L’interdiction de financement

 A l’égard de la Russie

Le règlement (UE) n°833/2014 a été modifié[7][8] par l’imposition notamment de nouvelles mesures restrictives interdisant le financement de la Russie, de son gouvernement et de sa banque centrale, dont l’interdiction des transactions liées à la gestion des réserves de même que des actifs de la banque centrale de Russie, y compris les transactions avec toute personne morale, toute entité ou tout organisme agissant pour le compte, ou sur les instructions de cette dernière.

 A l’égard des oblasts ukrainiens de Donetsk et de Louhansk

Le règlement (UE) 2022/263 publiée le 23 février 2022[9] met en place un nouveau régime de sanctions qui impose des restrictions aux relations économiques avec les oblasts ukrainiens de Donetsk et de Louhansk non contrôlés par le gouvernement ukrainien.

A l’égard de la Biélorussie

Le règlement (UE) 2022/355[10] publiée le 2 mars 2022 met en place un nouveau régime de sanctions individuelles et économiques couvrant également la Biélorussie.

L’interdiction de fournir des services spécialisés de messagerie financière

Le règlement (UE) 2022/345[11] publié le 2 mars 2022 prévoit l’interdiction, à partir du 12 mars 2022,

« de fournir des services spécialisés de messagerie financière, utilisés pour échanger des données financières, aux personnes morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe XIV ou à toute personne morale, toute entité ou tout organisme établis en Russie et dont plus de 50 % des droits de propriété sont détenus, directement ou indirectement, par une entité mentionnée à l’annexe XIV ».

Ces mesures visent principalement 7 banques russes, à savoir Bank Otkritie, Novikombank, Promsvyazbank, Bank Rossiya, Sovcombank, VneshEconomBank (VEB), VTB Bank.

Quant aux potentielles sanctions en cas de non-respect de ces nouvelles mesures

Les règlements européens étant directement applicables au Luxembourg, les banques dans le cadre de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme doivent sans délai mettre à jour leur procédures ainsi que leur outils de détection. S’agissant d’une obligation de résultat, tout défaut de mise à jour pourra faire l’objet de sanctions telles que prévues par la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Conformément à loi du 19 décembre 2020 relative à la mise en œuvre de mesures restrictives en matière financière et au règlement CSSF N°12-02 du 14 décembre 2012 relatif à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, les banques doivent informer le ministère des Finances et parallèlement la CSSF, de l’exécution de chaque mesure restrictive (y compris les tentatives de transactions) prise à l’égard d’un État, d’une personne physique ou morale, d’une entité ou d’un groupe faisant l’objet de mesures restrictives en matière financière. Dans le même temps, les banques doivent procéder au gel des fonds détenus par les personnes listées dans le cadre des sanctions de l’Union Européenne.

A défaut, le non-respect des mesures restrictives adoptées est puni d’un emprisonnement de huit jours à cinq ans et d’une amende de 12.500 euros à 5.000.000 d’euros ou d’une de ces peines seulement. Lorsque l’infraction a permis de réaliser un gain financier important, l’amende peut être portée au quadruple de la somme sur laquelle a porté l’infraction.

En conséquence, au regard des éventuelles sanctions en cas de non-respect, il est indispensable pour toute banque de mettre en place un suivi méticuleux de ces nouvelles mesures financières restrictives ainsi que celles qui seront encore prises par l’Union européenne dans le futur, afin notamment de mettre à jour ses procédures et outils de détection.

Cette communication est uniquement destinée à l’information générale. Elle ne constitue pas une analyse complète des questions présentées et ne doit pas être considérée comme un avis juridique.

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